La règle de la non-douleur

La règle de la non-douleurTout pratiquant de sport, ou même, en extrapolant, tout être humain, est confronté de manière ponctuelle à la douleur. Dans cet article, nous allons nous intéresser aux douleurs du corps : celles des muscles, des tendons, des articulations… Que faire et comment réagir à une douleur qui survient pendant un entraînement ou même au repos ? Comment appréhender la douleur et quels sont les enjeux et les outils à mettre en place pour la combattre ? Pour nous aider dans cette quête, il existe une règle fondamentale et cruciale pour tous les sportifs.

INTRODUCTION

Je suis sportif depuis l’âge de six ans, âge auquel j’ai débuté la pratique du karaté. Autrement dit, cela fait un certain nombre d’années que je suis confronté à la l’entraînement sportif. Le karaté, qui est ma discipline de base, est une activité extrêmement sollicitante et traumatisante pour le corps humain.Les articulations sont mises à rude épreuve à travers notamment les appuis, les impulsions et les coups de pieds, effectués à des amplitudes parfois critiques, ce qui me rappelle une phrase de mon médecin du sport : « Une hanche est conçue pour la marche, pas pour faire des coups de pieds ! ».

Bref, depuis mes premiers mawashi (coups de pied circulaires), en passant par la préparation physique, la course à pied et la musculation que j’ai découvertes dans le cadre d’une préparation de compétition de haut niveau. J’ai été constamment confronté à une sensation désagréable et démoralisante : la douleur.

Dans cet article, le terme « douleur » fait uniquement référence aux douleurs de l’appareil locomoteur, c’est-à-dire les os, les muscles, les tendons, les ligaments et les articulations. Les douleurs d’ordre moral, psychologique ou même celles relatives aux fonctions vitales de l’organisme (digestives, respiratoires, cardiaques..) ne sont pas concernées par cette thèse. En somme, par le terme « douleur », nous ferons référence aux principales sensations désagréables qui peuvent intervenir au cours de la pratique sportive ou même dans le cadre de la vie quotidienne.

Ces douleurs, qui ont « pollué » ma pratique, ont été chroniques et omniprésentes dans mon passé sportif. J’ai dû apprendre au fil des années à les gérer, les accepter et à vivre avec. Cependant, dans la mesure où elles étaient traitées, elles ne m’ont jamais empêché de m’épanouir dans ma discipline, ni de m’entraîner très dur, ni d’atteindre un haut niveau de pratique.

La douleur, je sais que, vous aussi, vous y êtes confrontés très souvent dans le cadre de votre pratique sportive surtout quand cette dernière n’est pas réalisée dans des conditions idéales : en état de fatigue, avec une gestuelle technique approximative (musculation), avec du matériel amateur et/ou usé. Le fait de s’entraîner sans avoir une bonne hygiène de vie et une alimentation saine et équilibrée participe également à l’apparition de la douleur. Tout le monde n’a pas la chance et le luxe d’organiser sa vie autour de sa pratique sportive !

Je vais partager avec vous la règle fondamentale qui m’a permis – depuis les nombreuses années où je l’applique scrupuleusement – de surmonter les douleurs et de continuer à m’entraîner sans coupure et à progresser physiquement : la règle de la non-douleur.

QU’EST CE QU’UNE DOULEUR ET QUELLES EN SONT LES CAUSES ?

L’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur (IASP) utilise la définition suivante :

« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite en terme d’un tel dommage ».

En médecine, on parle aussi d’une sensation subjective liée à un message de douleur, un stimulus transmis par le système nerveux. On distinguerait principalement deux types de douleur : aiguë et chronique.

Au-delà de ces définitions médicales, ce qu’il faut savoir et retenir c’est que la douleur correspond bel et bien à un signal d’alarme et d’action envoyé par notre organisme. Ce signal d’alarme nous incite à résoudre le problème qui cause cette douleur.

La douleur n’est donc pas une sensation négative et inutile, juste bonne à nous faire souffrir et à saper notre moral. En réalité, elle résulte de notre instinct et système de survie qui nous incitent à régler les problèmes avant qu’ils ne causent trop de dégâts.

C’est comme si notre corps communiquait avec notre cerveau en lui envoyant un mail : « attention, il y a un problème à ce niveau-là » ou « ce mouvement ne me convient pas du tout, change ta manière de faire », la douleur étant leur système de communication.

La douleur résulte d’une anomalie. Cette anomalie peut prendre la forme d’un geste mal effectué, d’une mauvaise posture, d’une zone du corps trop faible, d’un déséquilibre musculaire, d’une trop forte sollicitation… Les causes sont innombrables.

La conséquence d’une douleur qui serait occultée est, à terme, la dégénérescence de la zone ou du tissu corporel concerné (tendons, disque intervertébral, ménisque…) pouvant conduire à l’arrêt du sport, l’impotence fonctionnelle, ou, dans le meilleur des cas, à une blessure.

Une blessure peut avoir des conséquences sérieuses et significatives sur plusieurs aspects non négligeables de notre vie : notre moral, notre vie professionnelle et familiale, nos loisirs, notre vie sociale (surtout ci celle-ci est essentiellement basée sur les partenaires sportifs), notre budget…

La lutte contre les blessures relève donc autant de la pratique sportive que de notre bien-être général.

LES BONNES ET MAUVAISES DOULEURS EN SPORT

A mon sens et avec mes mots, il me semble que, pendant un entraînement sportif, on distingue deux types de sensations : les « bonnes douleurs » et les « mauvaises douleurs ».

Les bonnes douleurs :

Les bonnes douleurs font référence aux sensations de souffrance physique que l’on ressent, légitimement et tout à fait normalement, au cours d’une série ou d’un mouvement difficile et/ou inhabituel.

Par exemple, le biceps qui brûle au bout de la trentième flexion de coude avec un haltère, les cuisses qui deviennent douloureuses, voire impotentes après une lourde série de squat ou encore les fessiers qui chauffent après une minute de fente effectuée.

Ces bonnes douleurs font partie intégrante de la pratique sportive. Elles sont dues, la plupart du temps, à un épuisement musculaire ou à une forte concentration en acide lactique au sein d’un muscle, suite à une sollicitation ciblée et intense.

Ces bonnes douleurs peuvent être localisées (biceps) ou bien plus diffuses comme par exemple dans certains exercices polyarticulaires comme les tractions ou le développé-couché.

On retrouve aussi cette notion de « bonnes douleurs » dans les étirements, exercices qui provoquent une sensation douloureuse en raison de l’allongement, au delà de sa taille habituelle, d’un muscle ou d’un groupe musculaire.

Une bonne douleur est la résultante logique, normale et même recherchée d’un exercice sportif.

Si l’on se fie à la définition de l’IASP, le terme « douleur » ne devrait théoriquement pas être utilisé dans ce contexte-là, l’entraînement sportif n’entraînant pas de dommage tissulaire présent ou potentiel comme on l’entend dans ce contexte. Cependant, il faut savoir que l’activité musculaire intense crée des micro-lésions au sein des tissus musculaires, et pourrait être considérée, de ce fait, comme créatrice de dommages tissulaires.

Mais la réalité du terrain fait que le terme « douleur » est couramment utilisé pour faire référence aux sensations induites par l’activité physique : « cet exercice fait super mal », « en faisant du squat, j’ai des grosses douleurs aux cuisses »…

 Les mauvaises douleurs :

Les mauvaises douleurs font référence, quant à elles, aux sensations négatives qui ne devraient théoriquement pas être présentes au cours du mouvement effectué. Par exemple, si vous faites des flexions de coude avec un haltère, vous sollicitez les fléchisseurs du coude et devriez donc sentir le biceps chauffer. Si une douleur apparaît dans l’articulation du coude pendant la réalisation de l’exercice, il s’agit d’une « mauvaise douleur », car cette sensation ne devrait théoriquement pas faire son apparition dans le mouvement en question.

Les mauvaises douleurs sont celles qui sont évoquées dans la définition de l’IASP, c’est-à-dire qui sont dues à des dommages tissulaires présents ou potentiels.

Dans cet article, le terme « douleur » fait donc référence à ces « mauvaises douleurs », les « bonnes douleurs » ne sont absolument pas traitées et concernées par mon analyse.

Avant de poursuivre et d’aborder la règle de la non-douleur, il me paraissait indispensable de clarifier les choses et de bien définir de quoi nous parlions, pour éviter les incompréhensions et les quiproquos sur un sujet trop souvent abordé avec de mauvaises interprétations.

En outre, il relève de la plus grande importance que vous soyez capables de ressentir et de dissocier les bonnes des mauvaises douleurs.

 

LA REGLE DE LA NON-DOULEUR

Maintenant que nous sommes au point sur ce qu’est une douleur et quelles sont ses caractéristiques, abordons une des règles d’or de la pratique sportive : la règle de la non-douleur.

Le principe de cette règle est simple : ne pas accepter la douleur. Si une douleur apparaît au cours d’un mouvement ou d’un exercice sportif, la règle nous impose de stopper ou modifier immédiatement l’exercice.

L’idée n’est pas d’arrêter la séance d’entraînement à l’apparition de la moindre douleur et de rempiler ses affaires pour rentrer à la maison ! En revanche, lorsqu’une douleur survient, il faut automatiquement modifier l’exercice ou le mouvement de manière à éradiquer la sensation douloureuse. Modifier un exercice se traduit par le changement de position, de prise, ou bien par la réduction de la charge, de la vitesse, de l’intensité, bref, tout ce qui peut être modifié sans pour autant stopper la séance.

Un des enjeux de la règle de la non-douleur est de continuer à s’entraîner, même après l’apparition d’une douleur, mais en modifiant ou en changeant l’exercice pour qu’il ne produise plus cette douleur.

En dernier lieu, si aucune modification technique, gestuelle ou matérielle ne permet de faire disparaître la douleur, à ce moment-là, l’arrêt de la séance et le retour au vestiaire sont alors obligatoires, sous peine de non-respect de la règle.

Comme nous l’avons vu précédemment, la douleur est un signal envoyé par le corps au cerveau et qui témoigne d’une anomalie. Il faut donc en tenir compte.

Travailler et forcer sur une douleur, c’est comme accélérer en zone rouge et en sur-régime avec une voiture, le risque de casse ou de séquelle est grand. En général, on ne s’aventure pas trop à forcer sur le moteur de sa voiture, alors pourquoi ne pas faire pareil avec son corps, il me semble que ce dernier à un peu plus de valeur qu’une automobile, non ?

GERER LES DOULEURS DANS L’ENTRAINEMENT SPORTIF

Maintenant que la théorie est posée, on est bien content, mais le plus dur reste encore d’appliquer cette règle à la salle, au parc ou sur le terrain. Et là, ça se complique.

En effet, il existe un facteur qui va considérablement perturber notre capacité de prise de recul et d’analyse d’une situation pendant l’entraînement : la dimension émotionnelle.

En plein effort, avec le cœur qui bat à un rythme effréné, le visage recouvert de transpiration et les muscles contractés de toute part, nous ne sommes pas vraiment dans notre état normal !

Dans un état pareil, il est très difficile de s’arrêter brutalement ou de modifier la physionomie de l’exercice. C’est pourquoi on a tendance à vouloir finir l’effort à tout prix, malgré les douleurs présentes.

Attention donc de ne pas être tributaire de vos émotions et de votre motivation, une blessure avertit toujours avant d’arriver en envoyant des signaux de douleur.

Apprenez à respecter la règle de la non-douleur, peu importe votre état émotionnel.

 Et puis n’oubliez pas qu’un exercice peut vous provoquer une douleur à un moment « t » (par exemple le début de saison) et ne plus vous poser de problème à un autre moment (quelque mois plus tard ou suite à un cycle d’entraînement spécifique…). Si vous supprimez un exercice de votre programme parce qu’il vous provoque une douleur, ne versez pas une larme, réessayez dans quelques mois et la douleur aura peut-être disparu…

 Le seul contexte où l’on pourrait admettre de tolérer une douleur est la compétition sportive, qui est une épreuve ultime, précédée par de lourds sacrifices et souvent suivie par une période de repos. C’est la seule exception.

Voici un tableau avec des exemples de douleurs qui peuvent survenir au cours d’un effort et les modifications à apporter pour tenter de ne plus avoir mal, sur le moment ou bien à moyen terme :

La règle de la non-douleur

Apprendre à se prendre en charge et se soigner

Si le respect de la règle de la non-douleur ne suffit pas et vous prive totalement de votre activité parce que vous vous n’arrivez pas à trouver une alternative pour contourner la douleur, c’est que votre corps refuse et rejette ce que vous essayez de lui imposer. Vous pouvez alors vous considérer comme étant « blessé » ou momentanément inapte à votre pratique sportive. Ces termes font froid dans le dos ! Pas de panique, il n’y a rien de dramatique.

Une fois ce constat effectué (on sait que cela peut parfois prendre plusieurs mois car on s’obstine souvent à ne pas voir la réalité en face), votre nouveau maître mot sera : patience.

C’est le moment pour vous de vous faire prendre en charge par de vrais spécialistes de la médecine du sport (oubliez tout le reste), qui vous établiront un diagnostic précis (avec analyses et examens à l’appui) et vous apporteront les clés de votre retour à la pratique.

Je sais que s’arrêter pendant des semaines ou des mois peut être une véritable épreuve morale pour les passionnés de sport que nous sommes mais dans certains cas, c’est vraiment la meilleure solution. Il vaut mieux perdre six mois à se soigner que passer le reste de sa vie avec une lésion irréversible.

CONCLUSION

Le respect de la règle de la non-douleur peut engendrer – via l’interruption ou la modification non programmée d’une séance – colère, frustration et baisse de moral car comme moi, vous êtes sans doute passionnés et exigeants avec vous-mêmes dans la quête de vos objectifs sportifs personnels.

 Plus la motivation et l’envie sont grandes, plus l’émotion associée à vos entraînements est forte et plus vous avez du mal à écouter et traiter les signaux de douleur envoyés par votre corps.

 D’autre part, vous devez savoir que nous ne sommes pas tous égaux devant la pratique sportive. Certains pratiquants (dont je n’ai jamais fait partie) ne sont pas ou peu concernés par les douleurs et les blessures. D’autres, quant à eux, enchaînent et accumulent blessures et arrêts, la faute à une constitution de base et une morphologie moins propices à certains efforts physiques.

 Il est donc parfaitement inutile de se comparer à son voisin.

La règle de la non-douleur est là pour vous aider à mieux connaître et à être plus à l’écoute de votre organisme. Elle rentre dans une quête de connaissance de soi et, de ce fait, elle est, à mes yeux, un gage d’intelligence et de sagesse dans la mesure où elle nous permet d’avoir une meilleure santé.

N’oubliez pas que le sport doit être garant de votre intégrité physique et psychologique et il doit aussi contribuer à votre développement personnel. A ce titre, il peut être considéré comme une discipline noble.

 Matthieu Verneret

Références : Un corps sans douleur – C.CARRIO – édition Thierry Souccar 2012



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Je suis coach sportif professionnel, auteur spécialisé dans le fitness, la forme et le bien-être depuis de nombreuses années. Par ailleurs, j'ai été compétiteur de haut niveau en karaté. Sur ce blog, je vous livre tous mes meilleurs conseils pour être au top de votre forme et développer tout votre potentiel.


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